Stress et fatigue
2020-01-26 - Écrit par Guillaume Charest
Vivre avec une condition médicale est stressante et fatigante, pour la personne atteinte mais aussi pour tout son entourage. Lorsque notre fils aîné a été diagnostiqué avec le diabète de type 1 en 2018, il a fallu apporter beaucoup de changements à nos routines familiales. Néanmoins, comme il était âgé de 8 ans, il ne lui a fallu qu’une journée pour être déjà capable de préparer et faire lui-même ses injections, sous notre supervision.
Lorsque son jeune frère de 4 ans a été diagnostiqué en novembre 2019, la situation était quelque peu différente. Étant donné son jeune âge, il était presque totalement dépendant des adultes l’entourant, malgré son grand désir de prendre lui-même en charge son diabète.
Pour la personne elle-même
Si on considère nos vies d’adultes actives, force est de constater notre haut niveau de stress quotidien. Alors, si on s’arrête un instant pour considérer ce que vit à son tour un enfant, on réalise qu’il doit continuellement s’adapter aux horaires imposés par les parents, par l’école, les activités parascolaires, etc. En ajoutant en plus le haut niveau de surveillance qu’apporte le diabète de type 1, il est évident que nos deux plus grands ont vu leur niveau de stress augmenter.
Non seulement on leur demande d’estimer avec le plus de précision possible ce qu’ils vont manger à chaque repas (pour pouvoir calculer les bonnes doses d’insulines), ils doivent maintenant être constamment à l’écoute de leur corps pour tenter de déceler des signes d’hypoglycémies.
Bien sûr, il existe des outils pour nous aider dans la gestion de cette condition. Des capteurs collés sur la peau permettent de faire une lecture de façon presque continue ou même en continue, selon la solution retenue. Mais même ces outils sont une source de stress.
Imaginez devoir coller un objet d’un diamètre équivalent à un 2 dollars canadien et d’une épaisseur équivalent à trois 2 dollars superposés pour une durée d’environ 2 semaines à la fois. L’installation consiste à prendre un appareil doté d’une aiguille suffisamment grosse pour faire pénétrer une micro “paille” dans la peau. Puis, on recommence à la fin de vie de chaque capteur, soit entre 10 et 14 jours.
Si la lecture par le capteur n’est pas suffisamment claire, soit parce que celui-ci ne fonctionne pas correctement ou encore que les symptômes semblent ne pas refléter la lecture, nos garçons doivent alors se piquer le bout du doigt pour prendre une prise de sang.
Et nous, les parents et bons anges-gardiens que nous sommes, allons prendre des lectures de glycémie durant la nuit afin de nous assurer qu’ils ne sont pas en situation d’hypoglycémie. S’ils le sont, il nous faut alors les réveiller et leur donner à manger, ce qui affecte nécessairement leur sommeil.
Disons que c’est une expérience assez invasive et il n’y a pas de fin. C’est ainsi pour la vie ou jusqu’à ce qu’une percée fulgurante de la science voit le jour…
Pour les adultes intervenants
Nos enfants doivent également compter sur tout un réseau d’intervenants et d’intervenantes incroyables à longueur de journée. Lorsqu’ils sont à la garderie ou à l’école, le diabète ne reste pas à la maison…
Toutes les personnes qui entourent nos garçons ont dû être familiarisées et formées sur le diabète de type 1 ainsi qu’avec les méthodes et protocoles de traitements spécifiques à nos enfants.
Au centre de la petite enfance où nos plus jeunes garçons vont, la cuisinière nous aide donc à bien calculer les glucides qui feront partie de ce que notre garçon de 4 ans va consommer comme repas. Nous avons établis un gabarit permettant de bien noter les informations et nous pouvons donc tout calculer le soir. (Pour le moment, notre garçon de 4 ans est sur un traitement d’insuline “fixe”, ce qui veut dire que le calcul est fait seulement en fonction du taux de sucre dans le sang avant le repas et non par rapport aux glucides mangés directement.)
L’éducatrice et certaines de ses collègues désignées, la directrice générale et l’équipe de soutien ont toutes été formées et nous avons mis ensemble un protocole d’intervention avec des graphiques spécifiquement conçus pour notre fils. Elles sont réellement incroyables et ont relevé le défi d’accompagner notre fils, même jusqu’à apprendre à faire les injections avant le repas du midi puisqu’il est trop jeune pour le faire lui-même.
Il n’empêche, apprendre un concept est différent de le vivre. Lorsqu’une hypoglycémie soudaine se déclenche, le stress que les membres du personnel vit est intense. Ce n’est pas une situation “normale” pour ces personnes qui ont à cœur le développement et l’épanouissement de nos enfants.
Du côté de l’école, même si notre fils aîné est plus stable et que la majorité du personnel est maintenant beaucoup plus comfortable avec les concepts et les méthodologies de gestion liées au diabète de type 1, il n’en demeure pas moins que c’est une source de stress supplémentaire. Le personnel enseignant et de soutien a vraiment beaucoup à gérer dans le cadre scolaire quotidien, introduire une variable de cette nature de plus à songer n’est pas une mince affaire.
Mais comme toujours, toutes ces personnes ont levé la main sans aucune hésitation et ont répondu “Présente!” lorsqu’est venu le temps de prendre soin de nos garçons. Nous sommes tellement chanceux de pouvoir compter sur tous ces gens au quotidien!
Pour la famille
Nous avons 3 enfants, les deux aînés étant maintenant diagnostiqués avec le diabete de type 1. Mais notre petit dernier, présentement âgé de 2 ans, doit lui aussi vivre avec le stress apporté par la condition de ses frères.
Dans un scénario plus traditionnel, beaucoup d’attention doit être porté au plus jeune. Il est en effet moins autonome, communique moins efficacement que ces aînés, doit compter plus sur nous pour satisfaire ses besoins, etc. Mais comme nous devons prendre beaucoup de temps à préparer et gérer les différentes composantes du diabètes (hypoglycémies, repas, routines du soir, etc.), il doit souvent attendre plus qu’à son tour, ce qui est une source de frustration pour quelqu’un devant faire plus d’efforts pour communiquer et avec une moins grande maturité émotionnelle.
De plus, en grandissant, il est possible qu’il commence à ressentir des émotions négatives par rapport à l’attention portée à ses frères. Il faudra donc porter une grande attention à son développement émotionnel afin de l’accompagner dans son propre épanouissement. C’est également sans compter le stress qu’il pourrait vivre à l’idée de possiblement être diagnostiqué avec le diabète de type 1 à son tour. Il s’agit d’une possibilité que nous ne lui souhaitons pas mais qui pourrait tout de même être une source d’anxiété.
Pour les grands-parents, les tantes et les oncles, l’arrivée de cette nouvelle condition a nécessairement été un choc. De savoir qu’une personne chère soit atteinte d’une maladie incurable est difficile et nous fait passer par toute une gamme d’émotions.
Néanmoins, toute notre famille s’est relevé les manches et a pris les démarches nécessaire pour comprendre comment gérer la situation lorsque nos fils sont avec eux. Ainsi, ils savent reconnaître les symptômes d’hypoglycémie, ils conservent automatiquement les valeurs nutritives des aliments faisant partie des repas, ils gardent toujours des collations faibles en glucides au cas où, nous aident dans les calculs pour les repas, etc.
Ils le font tous avec amour et compassion. Mais ces efforts sont en plus de tout ce qu’ils faisaient déjà pour nos garçons. C’est une source de stress supplémentaire, même s’ils ne le voient pas ainsi.
En plus d’être des grands-parents, des oncles et des tantes, ces personnes chères à nos cœurs sont maintenant également des intervenants dans la gestion du diabète de nos petits cœurs.
Les membres de notre famille sont précieux et nous ne serions pas capable de vivre aussi bien tous ses défis sans leur appui continu.
Pour les parents
Comme tous les parents, nous nous efforçons de concilier travail et vie familiale, ce qui apporte déjà son lot de pression. Nous avons des emplois assez exigeants et qui sont par le fait même stressants. En revanche, nous pouvons compter sur des équipes de travail nous supportant dans ces épreuves.
À la maison, nous devons nous occuper de nos trois beaux garçons et c’est tout un défi à coordonner! Mais, en plus de nos tâches régulières, on doit maintenant ajouter la gestion du diabète. Et cette gestion est pratiquement 24 heures sur 24…
Dès le levé, il faut planifier le repas que chacun va prendre pour déjeuner. Lorsqu’ils ont décidé ce qu’ils allaient manger, il faut calculer les glucides du repas de chacun des deux aînés. Puis, on calcule l’insuline de chacun par rapport à leur traitement: notre plus vieux a un calcul plus compliqué mais nous devons néanmoins conserver des notes des glucides de son jeune frère. Finalement, il faut préparer et faire l’injection qui est présentement effectuée avec un stylo à insuline. Le tout ajoute une quantité assez impressionnante d’étapes supplémentaires afin de pouvoir avoir un repas. Ce seront sensiblement les mêmes étapes pour tous les repas: déjeuner, dîner, souper.
Les jours d’écoles, nous ne sommes pas avec notre plus vieux alors il nous faut préparer à l’avance une partie du calcul, selon ce que nous lui donneront comme repas. Il faut donc calculer les glucides du repas et préparer la feuille de calcul pour que le personnel de l’école puisse terminer le calcul de l’insuline.
Du côté de son jeune frère, comme le calcul est plus simple pour le moment et que les repas sur place sont toujours préparés par la cuisine de l’établissement, il y a un peu moins de planification requise mais il faut néanmoins avoir une bonne notion de ce qu’il mange. Nous avons donc préparé des gabarits pour que l’équipe de la cuisine puisse inscrire exactement ce que notre garçon mange aux collations et au dîner. On récolte le tout le soir et on transcrit les données dans notre chiffrier.
Tout au long de la journée et de la nuit, nos deux garçons sont aussi à risque d’hypoglycémie et il faut donc continuellement être prêts à intervenir. Nous sommes chanceux de pouvoir compter sur le personnel de l’école et du centre de la petite enfance pour s’occuper d’eux durant les jours de la semaine. Mais il arrive fréquemment que nous devions nous lever en pleine nuit pour aller vérifier l’état de leur glycémie et parfois même intervenir.
Malgré tous ces défis et le stress qu’ils nous procurent, je ne saurais dire à quel point nous aimons nos merveilleux garçons et combien nous sommes fiers d’eux!